
Londres, un après-midi de mai. Le temps est doux et clair. En fonction du quartier, les gens soit sirotent leur bière sur la terrasse d’un pub (Primrose Hill) ou déambulent entre les boutiques au son d’une musique stridente (Camden Town), promènent leur chien sans laisse (Regent’s Park) ou vadrouillent dans le bruit du trafic et de la foule (Oxford Street).
Londres des Anglais, Londres des immigrants, Londres des touristes. Londres est un melting pot et ses habitants ont des vies totalement différentes en fonction de leurs origines, du quartier et du status financier.
Le livreur est Russe, la serveuse du restaurant a l’accent polonais, la vendeuse dans la boutique est Italienne, la gardienne est Allemande, le propriétaire de l’épicerie exotique est Afghan, le cuisinier est Africain. Au bout de deux jours je pers mes préoccupations vis à vis de mon accent. Le plus important est d’être comprise et d’employer un anglais qui correspond à mon niveau d’études. Pour la prononciation j’ouvre mes oreilles. Le cerveau se charge du reste.
La balade entre la station du métro et ma future adresse du séjour me remplit de calme et de sérénité. Je suis à Londres pour une semaine, pour la pratique de kundalini yoga et pour un concert de Snatam Kaur, une enseignante de kundalini yoga et chanteuse des bhajans (des chants sacrés et des mantras). Je me sens accueillie dans cet espace propre et arrangé, que je découvre, de la grande ville. Un quartier comme une petite ville anglaise – loin de brouhaha et du stress, élégant et détendu. Petites boutiques avec tendance alternative, petits restaurants encore désertés, des entrées fleuries, belles maisons victoriennes avec leurs volées d’escalier, des immeubles impeccables. Le tout sous le soleil et le vent léger. Je savoure cette arrivée en mode VIP.

Mon immeuble est victorien aussi et se compose d’un nombre incalculable de chambres et de petits studios à destination des étudiants, visiblement bien lotis. Moquette épaisse dès le couloir, déco et équipements modernes, propreté immaculée. Wifi haute puissance. La première nuit j’ai du mal à fermer l’œil. Mon ressenti intérieur est électrique malgré le calme alentour.
Jour 2
La douche matinale – ‘hot’ à gauche, ‘cold’ à droite, ‘on’ à gauche, ‘off’ à droite – me tire du somnambulisme. Thanks God, nous sommes dimanche. J’affronte avec intérêt la foule en mouvement à Regent’s Park en zieutant sur les pelouses pleines des excités aux couleurs diverses courant derrière un ballon. Des cris anglais avec des accents variables. Défilé de mode internationale sur le Broad walk. Un papillon aux tons pastels – ensemble Punjabi en tissu léger et volatile, châle nonchalamment posé sur les épaules, cheveux noirs, longs et fraîchement lavés- remonte une allée avec une légèreté et grâce. Un vrai délice d’observer cette Inde qui a réussi ici. Plus loin, une famille sikhe assise dans les rayons de soleil et des Suédoises en extase devant les roses de Sylvia dans le jardin de la Queen Mary.
Je traverse le parc pour découvrir l’Ecole de Business de Londres, aux allures d’un Taj Mahal en version plus modeste et la Mosquée de Londres fermée à trois tours. J’irai à Baker Street, toute proche mais à l’opposé de ‘mon’ entrée du Park, le surlendemain après ma journée ‘yoga et courses alimentaires’. En attendant je recherche mon chemin de retour à travers le labyrinthe de petites allées plus ou moins circulaires.

Jour 3 commence par la grisaille et une promesse d’une petite pluie. L’église St Mark, en face, rime très bien avec la couleur du temps. Elle est fermée et je regrette de ne pas l’avoir visité la veille, malgré le culte. Je m’avance sur le chemin du canal de Regent’s Park, désert ce matin, alors que la file de voitures se déplace à la vitesse d’escargot sur le boulevard plus haut. Le chemin longe le canal qui encercle le parc, un chemin vert, feuilleux, entouré d’une nature sauvage et laissée libre. Un délice pour un œil fatigué du béton. Un sauvetage pour les poumons malgré les nombreux véhicules hybrides en ville. On est tout d’un coup à la campagne, en présence de l’eau verte qui clapote, des orties et du sureau en fleurs. Rares joggers, bateaux mouches peu remplis, douceur de l’air et de l’ambiance. Je vais à Abbey road, à peine deux km de mon logement. Lieu iconique. J’aime voir de mes propres yeux les endroits dont le nom a fait sa place dans ma mémoire. Le lendemain je visiterai l’église St Martin in the fields. Une autre icône.

Juste avant d’arriver à Abbey road je m’arrête dans une banque. J’ai des billets de livres anciens à échanger. Le souvenir du dernier voyage il y a trois ans. Entre temps le UK a opté pour des billets en plastique. J’ai hâte de les découvrir. Dans la queue je m’amuse à observer les gens qui discutent et commentent leur réalité. Visiblement du même quartier ils se sont retrouvés par hasard devant le guichet et papotent joyeusement. Ils se quittent avec un ‘be in touch’ ou ‘see you later’. Rien à voir avec l’ambiance sérieuse du bureau de poste de ma petite ville. Une femme asiatique assise sur une chaise, en biais, juste devant moi, prend ma défense quand un homme africain entre avec dynamisme dans l’agence et me contourne dans son trajet vers le guichet. Je découvre donc qu’elle ne faisait pas la queue et je saute une case. Le monsieur africain, dérouté, me jette un regard noir et se dirige vers les guichets automatiques. C’est bientôt mon tour. Le guichetier est d’origine jamaïcaine et j’espère pouvoir comprendre son accent. Et je n’ai pas de souci à me faire. Il m’informe qu’il n’a pas assez de fonds pour faire le change – ça alors ! – et me propose de verser la somme sur mon compte- que je n’ai pas. Il me dirige alors vers un bureau de poste et me décrit avec précision où se trouve le plus proche. Comment ne pas se confondre en remerciements devant ce dénouement heureux que je sentais mal s’avancer me voyant déjà parcourir Londres à la recherche d’une Banque d’Angleterre. Sic ! L’affaire est réglée en un quart d’heure qui suit et je peux revenir à mes Beatles.


Ce qui m’impressionne c’est le quartier autour d’Abbey road et du fameux passage piéton. Je ne l’aurais pas imaginé aussi cossu. Le studio d’enregistrements même ne fait pas de mine et je continue vers la boutique de celui-ci qui me réserve quelques surprises visuelles. Le problème c’est que la caisse accepte uniquement des paiements par carte ce qui me fâche, vu que je viens de m’enrichir de quelques billets que je voudrais bien liquider. Je prends tout de même pour mon fils un livre de recettes sucrées, inspirées des hits pop et me réjouis déjà de pouvoir vérifier avec lui nos connaissances réciproques dans le domaine. Je constate avec bonheur que je me rappelle sans faute du parcours que j’avais effectué pour venir, ce n’est pas mon point fort d’habitude – vive l’expérience de voyages en solo ! Je retrouve donc mon chemin et rentre tranquillement en savourant le côté campagnard et quelques belles propriétés entourées des jardins impeccables, brossés d’ailleurs ce jour de printemps par des jardiniers attentionnés.
Le soir c’est la séance de kundalini yoga dans le centre de Triyoga de Camden, le nom qui se lit comme “try yoga” (essayer le yoga) et moi je vais justement essayer une séance de kundalini yoga en version anglaise. Le centre-même m’épate. Une jeune réceptionniste m’invite à la suivre pour la présentation : vestiaires avec meuble à loquets, stockage des tapis privés, douches, toilettes, sauna à volonté, fontaine d’eau, côté cafétéria – végan et végétarien et côté boutique avec littérature sur le sujet, tapis de yoga d’épaisseurs diverses, vêtements pour l’occasion et accessoires. Côté salle de yoga – régénération de l’air et sa désinfection, et nettoyage par nos soins des tapis après la séance. Et des séances commençant à 6h du matin et se terminant à 20h30.

Ma séance me fait penser à une séance de hot yoga tellement il fait chaud à Londres et malgré la fenêtre ouverte je transpire lors de cette séance tonique. Et j’apprécie tellement d’être de nouveau en groupe pour la pratique partagée et guidée. Un régal. Après la séance j’échange avec ma voisine. Elle me parle des autres profs de kundalini yoga et des autres antennes de Triyoga à Londres. Moi, je lui dévoile que je suis venue pour un atelier et le concert de Snatam Kaur et combien cela me plaît de pratiquer dans un centre aussi superbe. Elle se dit chanceuse. Elle habite à 10 minutes de marche du centre.
Jour 4
Baker Street. Toi, jeune homme, œil hagard, courant un gobelet de café à la main à travers le passage piéton, à 19h, tu m’as inspirée. Tu m’as inspirée à réaffirmer haut et fort en moi quel type de vie je ne voudrais pas mener. Sur la longueur d’un instant tu en été sa représentation. Tout comme le quartier Baker Street d’ailleurs. Pubs bondés et bruyants ce mardi soir, restaurants pris d’assaut affichant des queues d’attentes inespérées. Dans une mini ristorante Italiano, cachée dans la rue adjacente, une polonaise à hauts talons, sirotant un verre de rouge, se laisse draguer par un serveur en âge défraîchi. Deux messieurs joviaux dégustent leur apéro on the rocks et sympathisent avec qui le veut bien. Une voiture de sport s’arrête près du trottoir et recrache un couple en âge moyen, prêt pour un dîner en tête à tête. Vous avez dit la vie ? Une vie, certes, mais la vie a tant de facettes plus suaves dans des décors moins tape à l’œil. Et elle se révèle mieux si on gratte un peu de son enrobage routinier.
Rentrer à pied à travers Regent’s Park – je me demande si je suis fâchée avec le tube – me calme et me recentre. C’est là que je me sens chez moi, c’est cet environnement qui me rappelle ma maison. Aussi – me nettoie les poumons et contribue à mon exercice physique. Pendant ce voyage j’aurais fait une moyenne de 9000 pas par jour c’est-à-dire 6km.

Jour 5
Ce soir le concert ! Et ce fait me laisse la plage horaire de toute la journée pour une excursion plus lointaine. Je décide d’aller voir le centre historique- Trafalgar Square, Piccadilly Circus et environs. Un gentil guide à l’entrée de la station du métro – un monsieur qui guette ceux qui ne savent pas comment faire pour les billets ou qui ont du mal à trouver leur ligne – m’a conseillé de descendre à Charing Cross et marcher jusqu’à Piccadilly. C’est tout prêt. C’est ce que j’ai fait sauf qu’en sortant de la station sur Charing Cross j’ai dû mal choisir le couloir et je me suis retrouvée dans une autre rue. Face au vent et à la pluie, le parapluie qui s’envole dans une main et le portable avec le GPS dans l’autre, j’ai suivi à peu près et par un coup de chance je suis entrée sur le Trafalgar Square en longeant la National Gallery. Bon, ce Trafalgar Square n’avait plus rien de celui que j’ai vu il y a 3 ans – près de la fontaine, sur le mur encadrant la National Gallery un cake de crème chantilly surmonté d’une cerise et d’une mouche comme ornement pure réalité. Est-ce un cake pour l’occasion festive ?


Dans l’autre coin de la place, une vidéo taille réelle d’un dinosaure attaquant le bâtiment de la Gallery, avec les sons y associés dans toute leur présence imposante. Ajoutons-y le bruit du trafic et la foule sur la place. Quel chaos. J’ai envie de fuir. Mais j’ai l’église de St Martin in the fields à voir de l’autre côté de la place. Je ne veux pas la louper. Tous les bons concerts retransmis de Londres y ont lieu. J’arrive devant l’église juste au moment de la fin de la messe. J’ai le temps d’apprécier rapidement la clarté époustouflante du cœur et du sanctuaire que leur procure la lumière venant des verrières et on me déplace pour ouvrir les portes.

Ce n’est pas grave. Je reprends mon chemin et en passant je remarque une librairie-café sur le croisement de Trafalgar et Charing Cross. Je ne résiste pas de m’y arrêter. Je me suis promise de rentrer avec un nouveau livre en anglais. Pourquoi pas un de mon auteur préféré – Haruki Murakami ? Pénétrer dans une librairie c’est comme entrer dans une caverne d’Ali Baba ; partout où on pose les yeux ça brille. J’adore ce moment-là. Puis, il faut s’arrêter sur ce qui est de plus précieux. Je commence à regarder les titres pour me faire l’idée de la répartition des rayons. À à peine deux mètres de moi un homme parle dans son portable en brésilien. Cela ne me surprend plus – j’ai eu le temps d’entendre tant de langues ici à Londres … J’y ne prête plus attention. Sauf que l’homme parle d’une manière insistante, d’une voix forte et se déplace dans toute la boutique en parlant. Cela m’oppresse et je sens une indignation qui monte – il est dans une librairie, un lieu calme habituellement et il se permet de régler ses affaires en présence des autres et sans gêne par rapport à sa sonorité. Je lui tourne le dos pour m’éloigner et c’est là que j’aperçois le nom de Murakami parmi d’autres sur le présentoir devant. Merci ! Je prends le livre – ‘First person singular’ – je ne connais pas le titre. Ainsi mon choix est fait, je me dirige vers la caisse. Le caissier discute joyeusement avec une cliente qui est en train de payer. Il a vraiment le sourire sur ses lèvres. Une autre personne s’approche de lui et je comprends qu’elle lui demande un renseignement touristique. Il répond avec le même sourire et la joie du cœur pour renseigner le touriste perdu au mieux. Et quand c’est mon tour il a le même sourire et la joie pour m’accueillir et cela me donne envie de faire pareil. Il me demande si j’ai besoin d’un sac, je répond que non, merci mais il m’emballe mon livre tout de même et il a raison – il bruine, et nous nous quittons en échangeant un nouveau sourire. Vraiment allez-y, ce gars est super agréable ! La libraire s’appelle Waterstones – sur le coin de Charing Cross et Trafalgar Square !
Pour me rendre au concert de Snatam Kaur à Islington j’ai un bus direct au pied de mon immeuble. Quelle chance ce logement ! Alors quand je passais à côté de l’arrêt je vérifiais sur le tableau lumineux de combien de minutes les bus étaient espacés. Je n’ai pas trouvé de timetable sur place. Sachant qu’en journée les bus arrivaient avec 5 minutes d’écart je pensais que le soir, vers 18h, à l’heure de mon départ, ce serait la même chose. La logique anglaise n’est pas la mienne. À l’heure où les gens rentrent de travail les bus circulent avec un quart d’heure d’écart ! Heureusement que j’ai prévu du temps d’avance. Je patiente. Je me prépare intérieurement à la visite de Londres en bus. C’est un peu comme une promenade en bus touristique. Et en effet le bus me mène par des rues et des quartiers ne se ressemblant pas. Je suis étonnée de passer d’un quartier cossu de Primrose Hill à Camden road avec des maisons bien plus modestes, les environs moins soignés architecturalement et franchement sales puis vers des endroits plus agréables avec des mélanges de petites maisons anciennes et des immeubles récents. Enfin arrivée à Islington Angel, un lieu animé, station de métro, passages de plusieurs bus. Je n’ai pas le temps de chercher l’arrêt de mon bus suivant. Je me lance en marche rapide pour arriver à temps à Gracepoint rue d’Exeter. Je traverse un quartier calme et vert mais Exeter road toute proche est pleine de circulation et bien défraîchie. Elle ne fait pas un quartier de la capitale du pays mais une petite ville construite sans réflexion, avec des commerces disparates. Rien à voir avec les petites villes pittoresques du sud de l’Angleterre. Ce type de décor me donne le cafard ; je vois des existences ennuyeuses des habitants, des habitudes sclérosées qui remplissent le quotidien et le manque de fantaisie plombé par l’environnement gris et poussiéreux. Je préfère ne plus m’imaginer ce quartier le jour de la pluie d’automne. M’enfin il est temps de passer au clou de ma journée car j’ai atteint mon objectif et je suis arrivée à la salle de spectacles avant l’ouverture des portes. Je rejoins la longue file des gens comme moi, des pratiquants de kundalini yoga et des fans des bhajans chantés par Snatam Kaur. De quoi me réjouir, je me sens comme dans ma sangat, cette fois-ci élargie à l’international. La salle est assez grande et correcte. Ce n’est pas le Rex à Paris où j’ai déjà pu écouter Deva Premal et Miten mais je suis très bien placée, à quelques rangs de la scène seulement. J’en profiterai largement à pouvoir voir tous les membres du groupe jouer et chanter. Je pourrais observer Snatam chanter et parler et Sukhmani jouer les tablas – ce qui m’intrigue, j’aime beaucoup le son des percussions indiennes. Pendant le concert le public chante avec les musiciens mais mon quartier fait partie des plus silencieux. Je n’ose pas lever ma voix alors que je pourrais, avec grand plaisir, chanter plus fort. Une seule composition fait les gens se mettre debout et bouger sur place en chantant. Je trouve ce public réservé et discipliné. Le final est très beau ; Snatam reçoit des fleurs et sans un instant de réflexion elle les offre à la grand-mère de Sukhmani, présente au concert et assise au premier rang. Celle-ci est très étonnée et émue par le geste de la chanteuse et l’amie de sa petite fille. Le public jubile et les applaudissements couronnent le moment. Et sagement et sans précipitation la foule quitte la salle de spectacle. Moi, il m’attend le trajet de retour vers l’arrêt de bus, que je ne trouverai pas dans le noir, et le voyage final en métro, puis un nouveau parcours à pied de la station de métro à mon domicile londonien. Sans histoires, sans crainte malgré ma méfiance renforcée par l’imagination. Alors que l’alcool semble être un produit largement utilisée à Londres j’ai eu l’occasion de constater que son influence est moindre qu’on pourrait le redouter.

Jour 6 est le jour de changement de logement. Je partirai à l’est, près du parc de Kensington. Mais avant de le faire, je visite le Primrose Hill Garden, collé au Regent’s Park mais un parc à part tout de même. Coiffé d’une colline verte en son milieu c’est un parc tout en vert – de la pelouse et des arbres. Une bénédiction pour le quartier. Je retourne au Regent’s Park, une fois de plus, et prends un café dans une cafétéria du parc qui l’annonce comme le meilleur café durable de Londres. Le haut parleur diffuse une musique bruyante et tonique. Moi je lis mon Murakami en dégustant le café bien chaud. Le temps est gris et c’est ainsi que le quartier de Primrose Hill me salue. J’entreprends un voyage compliqué en métro pour arriver à la station Bayswater et à Moscow road.
Je découvre une autre facette de Londres – un quartier bariolé ; chaque enseigne représente un autre pays, une autre culture. Deux enseignes qui se côtoient proviennent des pays éloignés par des milliers de kilomètres; Thaïlande, Italie, Chine, Angleterre, pays de Moyen Orient, Méditerranéens … Ma chambre se trouve dans un appartement tout en hauteur. Je compte 30 marches pour arriver à celle-ci. Derrière l’immense fenêtre, tout en bas, court Queensway avec ses commerces et des immeubles semblables au mien – en brique, sans cachet. Sur l’horizon le soleil derrière les nuages et de grands arbres. Je regrette la tranquillité de Primrose Hill mais décide de découvrir ce nouveau monde sans tarder.

Direction Kensington Gardens, à deux pas de mon logement. Une fois l’animée Bayswater road traversée je me trouve derrière les grilles du parc et je compare forcément son entrée à l’allée principale de Regent’s Park que je connais bien maintenant – c’est encore plus large ici et plus spacieux. Il s’agit du parc du Palais de Kensington, un des palais royaux, pas donc étonnant que tout soit en démesure. J’arrive au Palais justement et je le contemple avec consternation – il n’a rien d’extraordinaire. Je dirais même qu’il ne me plaît guère dans sa structure sobre et géométrique, en brique et pierre. Je remarque l’annonce d’une exposition photographique attirante et je la note au coin de ma tête avant de m’éloigner.

Je prends le parc dans sa largeur ; au centre se trouve un étang rond et plus loin, près d’un autre plan d’eau plus grand, une fontaine à la mémoire de Princesse Diana. Je décide d’aller la voir. Je parcours des allées longeant des kilomètres de pelouse et des rangées de tilleuls : des milliers de tilleuls de plus petits au plus grands, aux feuilles tremblotantes au vent. J’imagine la senteur qui se reprend ici au moment de la floraison. Des gens qui courent, des gens à vélo me dépassent et moi je marche et marche, je m’oxygène ; elle est très loin cette fontaine. Arrivée enfin devant le lieu et le monument je m’étonne de sa forme, de son message – un cours d’eau ovale qui serpente dans un lit de pierres taillées, placé sur le gazon dans un espace clos. Ce qui est touchant c’est l’appel – en forme d’une pancarte explicative – à garder le calme et un recueillement en circulant dans son enceinte. Deux gardiennes postées près d’entrée veillent sur la quiétude du lieu. J’ai trouvé le descriptif de Wikipedia très juste et la photo belle : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fontaine_comm%C3%A9morative_de_Diana,_princesse_de_Galles
Une fois rentrée dans mon logement, je parcours le trajet de ma balade verte sur un vieux plan de Londres version papier et je me rends compte que je me suis rendue jusqu’à Hyde Park, collé aux Jardins de Kensington. La fontaine de Princesse Diana se trouve de côté de Hyde Park.
Je ne pourrais pas rester sur ma faim question Hyde Park et le lendemain je l’aborde de l’autre côté, en y entrant par the Speaker’s corner dont j’ai tant entendu parler à l’école. Personne en discours sur le lieu mais des panneaux explicatifs renseignent sur l’endroit qui finalement est bien large – il représente un demi cercle pavé à l’entrée nord-est du parc et s’étend entre le Marble Arch (entrée) et le début des allées piétonnes plusieurs mètres plus loin. Un espace suffisamment grand pour contenir plusieurs postes d’orateurs. Ce qui attire mon attention c’est l’existence de ´teasers’ ; de personnages qui avec leur questions ou contestations interrompent le discours de l’orateur. Il y en avait des célèbres comme il y avait des orateurs célèbres – les deux groupes de personnages sont listés dans le Speaker’s corner. Symbole de la liberté d’expression c’est un lieu qui porte l’empreinte de la démocratie et de l’accueil des réfugiés de différentes cultures.

Ma dernière folie de Londres c’est de vouloir faire du shopping sur Oxford street un vendredi soir. Alors que l’animation était impressionnante attirant la foule, le trafic. Tout cela souligné d’une bruyante musique des magasins se déversant jusqu’à la rue m’a vite fatigué. Parmi les chanteurs- amateurs en spectacle de rue et les personnages des dessins animés en version géante, le chant de muezzin capte soudain mon attention – liberté d’expression, acceptation des variants de la foi. Ce chant mélodieux dans ce lieu chaotique renvoie abruptement à la vraie beauté et à l’expression du sacré. Dans le temple du consumérisme c’est un appel à l’arrêt et à la contemplation, une tentative de nous extraire du matérialisme et de nous rappeler ce qui est vrai.

Mon séjour à Londres se termine par une visite, le 8ième jour, de Kensington Palace et de l’exposition Life through a royal lens- un parcours de plus parlantes photos des royaux depuis l’invention de la photographie jusqu’à nos jours. La photographie y apparaît comme un moyen de communication utilisé dès son apparition et un domaine d’art créant des ambiances et des effets spectaculaires. La reine Victoria, en deuil de son mari disparu à l’âge de 42 ans, a communiqué avec ses sujets à travers de ses photographies, restant muette pendant des dizaines d’années. Les portraits d’Annie Leibovitz affichent une ambiance feutrée et en estampe faisant rappel aux anciens tableaux, comme de Rubens ou de Rembrandt. Dépaysant.






Je consacre l’après-midi de samedi à la balade dans Holland Park à Notting Hill – un parc très à l’anglaise plein d’espaces sauvages délicatement domptés et de coins d’ambiances avec des plantes recherchées, comme ces fougères arborescentes en tape à l’œil à l’entrée et comme ce Jardin de Kyoto offert par les Japonais en signe d’amitié, tellement identique à la touche du Japon qu’on se croie y être.

Notting Hill m’escorte avec ses immeubles chics de blanc et de pastels, et de ses parcs privés derrière les grilles en fer forgé avec un portail à clé, à l’accès des privilégiés. Sic. Une sorte de carte de visite du pays où les signes distinctifs d’origine ou de richesse sont bien présents. J’arrive donc au constat égalant mes premières remarques. La boucle est bouclée.
