Vivre dans les souvenirs nous éloigne du moment présent, active les émotions et le corps de souffrance selon Eckhart Tolle. Be more a wave than a particle- prévient Dr Joe Dispenza dans ses conférences sur le développement personnel à travers la physique quantique. Mais quand les souvenirs sont agréables et traités comme un vécu-base pour une ouverture d’esprit, y revenir aide à se rappeler de chemin de conscience. Vivre hors du stress et en présence fait partie du chemin de conscience. Les vacances peuvent être des moments d’éveil.
Ce vendredi matin n’est pas comme les autres. Mon planning est strict niveau horaire. Je vais quitter Londres pour aller voir la campagne anglaise que j’apprécie tant, et rendre visite à mon amie, Lynette, que j’aime beaucoup. Lynette est anglaise mais un peu française aussi par le sang. Après avoir parcouru l’Europe avec son mari, pour des raisons professionnelles de celui-ci, elle est revenue s’installer en Angleterre, à Andover où je vais la voir. J’ai rencontré Lynette dans sa séquence française de vie, alors qu’elle habitait la Bretagne, et nous avions alors un ami gallois en commun. Des qui pro quo de la vie nous ont rapproché et remis régulièrement en contact, malgré l’éloignement géographique. Mais évidemment pendant la période de la pandémie que nous ne sommes pas vues. Notre dernière rencontre en chair et en os date de 2019. J’ai hâte de découvrir le nouveau lieu d’habitation de Lynette.
Être avec elle c’est me voir et voir la réalité française d’un œil nouveau. Quand elle habitait en France Lynette a travaillé comme agent immobilier et aidait ses compatriotes à trouver leur home de rêve français. De cette époque date une multitude de souvenirs et d’anecdotes que Lynette a recueilli dans son livre ‘The dream seller’ (Lynette Phillips ISBN 978-1-78876-131-4). Vous connaissez ces récits des Anglais installés hors leur île, vivant la réalité parallèle dans leur pays d’adoption et captant les contrastes, les curiosités, les penchants et les imperfections de la culture locale ?- comme ce gars de Very Finnish problems qui nous fait rire sur Facebook. Le livre de Lynette s’inscrit dans ce registre sauf qu’il est enrichi de portraits des compatriotes dans leur parcours vers le bonheur français et d’un fin répertoire de lieux gastronomiques de l’ouest français. Ha, Lynette, on reconnaît ton trait fin gourmet coulant dans tes veines ! Lynette est marrante et étonnante, et son vocabulaire fleuris. Je ne me lasse pas de revenir vers son livre pour des rencontres en formes atypiques. Et pour les idiomatismes.

Ce matin de vendredi donc je pars tôt vers la gare de Waterloo située dans une partie reculée de Londres par rapport à mon Kensington district. J’appréhende la commutation professionnelle et d’être en retard pour mon train de 9h30. Surprise sur le quai du métro – pas grand monde, idem dans la rame ce que je l’attribue à mon quartier plutôt résidentiel. Mais le remplissage ne se fait pas plus fort au centre de la ville et continue à être léger dans la gare de Waterloo, où j’ai le temps d’apprécier différentes et variés directions des trains sur le panneau. Non, ma direction ce matin n’est pas Strawberry Hills mais la trajectoire que Lynette me promet est aussi attrayante.

Lynette et sa joie de vivre m’attendent devant la gare d’Andover et nous partons direct explorer la campagne environnante. Les maisons anciennes avec les toits en chaume et les petits jardins pittoresques ne tardent pas à se montrer sur le chemin. Et avec elles toute cette ambiance de quiétude, d’une vie lente au sein de la nature, d’une vie en présence à ce qui est. Un contraste parlant avec l’image et l’ambiance que j’ai retenues sur Baker Street. Nous échangeons pendant tout ce temps-là et bientôt abordons les sujets qui nous ont jadis réunis- notre ami en commun et la vie en France. Nous parlons tant tôt en anglais tant tôt en français et je me demande si nous devrions pas adopter que l’anglais car la conduite à gauche ne rime pas avec le français …. Lynette m’emmène vers un de ces lieux en pleine campagne où on peut s’arrêter pour le café et une gâterie de la matinée, venir promener son chien ou apprécier un jardin anglais dans son romantisme.

Alors que la campagne française me paraît souvent rustique et agricole, en Angleterre on perçoit l’âme artistique des habitants qui s’expriment dans le soin donné aux maisons, jardins et environs. Quand nous avons fait la marche dans les South Downs en 2019 https://voyageatraverslesambiances.wordpress.com/2020/01/29/le-south-downs-way/ nous avons pu côtoyer et contempler cette campagne soignée et aménagée pour le bien des habitants et des promeneurs- des sacs de pommes d’une récolte trop abondante accrochés sur les clôtures pour partage, des gamelles d’eau fraîche pour les chiens passant et même de l’eau et du flapjack en libre service devant une des maisons sur le chemin de randonnée. Le tout sur le fond d’une pelouse bien tondue. Un autre souvenir d’un séjour au pays de Shakespeare me chuchote que notre fils s’est lancé dans ses premiers pas sur cette pelouse en forme de moquette 🙂 Ses premiers pas anglais l’ont mené vers un parcours de lycée à Brockwood Park School, près de Winchester, des années plus tard. Une étape magique dans sa vie. La vie est bien faite …

Après le café, le flapjack partagé et la séquence délectation des yeux avec le jardin à Leckford, nous reprenons notre chemin à travers la campagne ensoleillée, s’il vous plaît, pour un lunch dans un pub. Un pub… c’est là que se situe une différence flagrante entre la France et L’Angleterre – un peu comme pour ces jardins rendus attrayants et gracieux, les pubs – ces établissements, faisant, pour certains, l’office d’une deuxième maison où d’un lieu souvent fréquenté, ne se ressemblent pas du tout dans les deux pays. Les bars et les brasseries françaises sont froids et distants, professionnels, souvent bruyants à cause du matériaux légers utilisés pour la déco. En Angleterre, même si je ne bois pas d’alcool, j’aime bien l’ambiance des pubs – en basse fréquentation, précisons-le – car elle est feutrée, conviviale ; les lieux sont cossus, aménagés, souvent avec des petits recoins intimistes, mobilier de qualité et le personnel disponible. La dénomination ‘Free House’ me fait plutôt penser à un lieu convivial, ouvert à tous qu’à une entreprise de débit non associée. Quatre vingt dix pour-cent de nos pensées du jour proviennent de la veille dit Dr Joe Dispenza. Alors, voyager permettrait d’aborder des lieux nouveaux, des situations nouvelles, ressentir des émotions inédites et … de générer de nouvelles pensées. Et de nouveaux comportements et ainsi du vécu. Face à cet aise, la chaleur et la disponibilité anglaise je décrépite ma surface usée et en sors rafraîchie.

Le pub ‘de Lynette’ The White Lion à Wherwell à un toit en chaume et une terrasse et nous choisissons celle-ci pour notre déjeuner. Le menu est à rallonges et nous fait hésiter longtemps. Je choisis finalement, après l’exercice de vocabulaire culinaire où je demande de l’aide à Lynette, un menu typique avec un ‘pie’ campagnard. J’éclate intérieurement de rire quand mon assiette arrive car sa simplicité tranche brusquement avec sa description. Ah, la cuisine, c’est aussi un art de vente du rêve, n’est-ce pas, Lynette ? 😉 Mais c’est bon à manger, le soleil brille et le moment est insouciant à souhait. Après ce printemps j’aurais peut-être envie d’enregistrer le son de la pluie qui tombe; une vague de pluie rapide, une pluie forte, un crachin, une bruine presque inaudible mais qui rehausse et laisse se répandre les parfums de la nature. Ce printemps sans pluie est si différent. Surtout ici. Et je voyage toujours car Lynette me raconte la vie de son fils avec sa famille en Australie ; des tournures de vie qui font que des portes d’opportunités soudaines s’ouvrent et les paysages changent comme par magie. On y gagne toujours à se laisser guider par la vie, elle-même. La vie, elle-même, same same but différent où que l’on se pose. Comme celle du grand père de Lynette, militaire, envoyé au service en Inde et que la femme avec enfants ont refusé de suivre pour raison de changement du pays, de culture. La famille a vécu ainsi séparée jusqu’à la mort des uns et des autres. Et jusqu’à ce que le père de Lynette découvre, par hasard, la veille de l’enterrement, le nécrologue de son géniteur et saisisse l’occasion de refaire le lien avec les siens. La vie comme un roman.
On finit la journée en beauté par une balade autour d’un étang à Charlton, la visite en voiture d’Andover et un pukka chez Lynette avant que je ne reprenne le train vers Londres. Mon amie pourra accompagner le passage de mon train depuis son séjour car la verdure derrière sa fenêtre cache la voie de chemins de fer. Une invitation au voyage en soi cette situation aussi et qui se prête aux déplacements réguliers sans bouger ; moi, je voyage sur les destinations des avions passants au-dessus de ma tête at home, toi – tu te laisses bercer par les glissements au loin sur les rails. À chacune sa façon de s’échapper ou au contraire- à revenir dans le moment présent.

Au plaisir de te lire, Lynette, dans ton nouvel ouvrage, même si tu le qualifies de mièvre et que tu en ris d’avance. Continuons le voyage … Moi je retourne à Londres, pour un instant encore …